Un atelier intergénérationnel haut en couleur !

Les traits de pinceau qui caressent le papier sont réalisés par des artistes en herbe de 7 à 9 ans, mais résultent d’une réflexion commune avec des seniors. Ce mardi-là, dans une salle située au-dessus du Cinéma Casino, à Martigny, dix enfants s’adonnent à l’aquarelle sous le regard bienveillant d’autant de retraités. Une fois par semaine, ces binômes — pas nécessairement fixes — se réunissent pour un moment de peinture et de partage. C’est la première fois que Pro Senectute Valais-Wallis organise un tel cours intergénérationnel. « Ce sont tous des seniors qui participent déjà à mon cours d’aquarelle, explique Pierre-Alain Corthay, initiateur du projet. Je leur ai proposé de coacher des enfants en plus de l’enseignement traditionnel que je leur donne dans le cadre des activités de Pro Senectute. L’idée les a tout de suite séduits. » Les enfants, eux, ont été trouvés à la suite de la distribution de flyers à Martigny. « L’engouement a été immédiat et nous avons malheureusement dû en refuser beaucoup », regrette Nathalie Humbert, animatrice socioculturelle à Pro Senectute. 

« Un certain  lâcher prise »

Si, au tout début, les jeunes peintres avaient carte blanche et quittaient la salle en laissant autant de couleurs sur la table que sur la toile, Pierre-Alain Corthay a décidé d’un peu structurer la séance en leur proposant à chaque fois une thématique différente. Le jour de notre passage, il s’agissait d’ouvrir une fenêtre sur leur avenir professionnel. Attablés, les enfants évoquent avec leurs mentors le métier qu’ils souhaitent faire et la manière de le représenter graphiquement. Les discussions vont bon train au sein des duos. Lara, 8 ans, choisit de dessiner la salle de classe dans laquelle elle s’imagine enseigner, alors que Roméo, 7 ans et demi, se projette en tant que gardien de football, « encore meilleur que Sommer » ! L’un de leurs petits camarades, déjà en habits de lutte pour gagner du temps en vue de sa prochaine activité du jour, agence la cuisine où il se voit travailler, sous l’œil averti de Jean-Paul Rossier, architecte à la retraite. L’heure est à l’échange de savoir-faire et d’imaginaire. Le crayon est utilisé dans un premier temps, puis laisse place à la peinture à l’eau, afin de passer du noir-blanc à la polychromie. 

Marie-Josée Rossier, 78 ans, fait aujourd’hui équipe avec Lara. « C’est un challenge bien sympathique, confie cette habitante de Conthey, grand-mère de jeunes adultes. Il s’agit d’un agréable moment de complicité qui fait un bien fou. Mais il faut aussi dire que, lorsqu’un enfant a une idée en tête, il s’y tient. Du coup, cela nous oblige à nous remettre en question et à accepter un certain lâcher prise. » Marie-Josée Guex, une grand-mère de Martigny de 74 ans, qui s’occupe aujourd’hui de Roméo, tient le même discours : « Leur lâcher prise et leur spontanéité sont, pour moi, une source d’inspiration. A la différence de ce que je fais, ils ne se posent pas trop de questions avant de se lancer. Quand j’étais jeune, on nous ramenait toujours dans le cadre, alors que, là, ils font ce qu’ils veulent et, souvent, ils ont des idées bien arrêtées, desquelles ils ne s’éloignent pas. Je m’occupe aussi bénévolement de jeunes handicapés. Ces instants en compagnie des nouvelles générations sont très enrichissants, car les enfants sont cash. Cela me permet de rester à la page et me donne du peps. » Tous les seniors interrogés se disent ravis de cette expérience, qu’ils sont prêts à réitérer si une suite lui est donnée — tout reste ouvert. Et les enfants, dans tout ça, qu’en pensent-ils ? Ils sont aussi très contents, à l’instar de Roméo : « Ils nous aident, sont gentils et nous donnent de bons conseils. » 

Une exposition commune  

Si la série de neuf cours touche à sa fin, l’expérience est loin d’être terminée, puisqu’elle se prolongera au travers d’une exposition intitulée « Peindre ensemble », qui se tiendra du 13 au 29 mai 2022 à la Grange à Emile, à Martigny-Bourg. Des œuvres seront en outre exposées dans des vitrines du bourg. « Pour la grande majorité des seniors, ce sera d’ailleurs leur première exposition », souligne Pierre-Alain Corthay. Un regard croisé et artistique sur le monde qui se terminera, comme il se doit, ensemble, lors d’un repas intergénérationnel. 

Frédéric Rein