TDAH, une maladie neurologique méconnue

La personne souffrant de TDAH semble parfois absente. © iStock
Le trouble de l’attention et l’hyperactivité (TDAH) concerne aussi bien les grands que les petits. Et cette maladie neurologique impacte sérieusement la vie de 4% des adultes. Le diagnostic du TDAH est complexe et le traitement efficace. Explications du spécialiste et témoignage d'une personne qui en souffre.
Ils ont du mal à s’organiser, sont souvent en retard, distraits, ne tiennent pas en place, perdent des objets, n’écoutent pas ce qu’on leur dit, s’énervent facilement. Ce sont quelques-unes des particularités des adultes souffrant de TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité). Leur incapacité à gérer le quotidien se traduit par des difficultés dans leur vie familiale, sociale et professionnelle. Avec à la clé, ce n’est pas rare, des conflits conjugaux, voire un licenciement.
A cause des idées qui se bousculent sans cesse dans leur tête (lire le témoignage de Patrick ci-dessous), ces personnes sont en proie à une agitation intérieure qui les empêche de se détendre, d’être attentives aux autres ou aux tâches qu’elles devraient effectuer. Les symptômes du TDAH étaient déjà décrits au XIXe siècle. Pourtant cette maladie reste encore mal connue et fait parfois l’objet de controverses, ainsi que la prescription de psychostimulants comme la Ritaline.
Pourquoi cette méfiance? Réponse du prof. Nader Perroud, chef de l’Unité du trouble de la régulation émotionnelle aux HUG, psychiatre spécialiste du TDAH chez l’adulte: «Quand un enfant est toujours distrait, agité et qu’il refuse de faire des efforts, la tendance est d’en attribuer la cause à un défaut d’éducation de la part des parents et non à une maladie. Chez un adulte qui présente les mêmes symptômes, on parlera de traits de caractère qui expliquent son manque d’égards envers autrui, sa nervosité ou son peu d’assiduité. La méfiance envers le traitement est due au fait que les médicaments prescrits sont des psychostimulants considérés comme des drogues. Cette idée que «les médecins droguent les gens» suscite des inquiétudes. Pourtant, avec 70% de réussite, c’est l’un des traitements médicaux les plus efficaces.»
Le centre du plaisir
Les études scientifiques ont permis de comprendre l’origine des troubles de l’attention et de l’hyperactivité: il s’agit d’un problème dans la régulation des taux de dopamine et de noradrénaline. Ces molécules biochimiques sont des neurotransmetteurs utiles au bon fonctionnement de trois régions du cerveau dont dépendent, par exemple, nos capacités à nous concentrer, à nous motiver ou à nous détendre. «Une région très riche en dopamine est le noyau accumbens, qu’on appelle «le centre du plaisir», précise le prof. Perroud. Le manque de dopamine explique pourquoi une personne TDAH néglige les activités qui ne l’intéressent pas et ne se concentre que sur celles qui lui apportent du plaisir. Le TDAH peut être compris comme une dépendance à la récompense immédiate.»
Les médicaments permettent d’intensifier l’activité des régions du cerveau qui sont insuffisamment stimulées et d’améliorer à long terme le bien-être des patients. Mais, avant de les prescrire, le psychiatre se livre à une investigation poussée pour établir le diagnostic. Il s’agit d’abord d’exclure des pathologies comme la dépression ou les troubles bipolaires, qui se manifestent par des symptômes similaires. Puis d’interroger longuement le patient pour comprendre les difficultés qu’il rencontre dans sa vie quotidienne.
Une histoire familiale
Même l’entourage du patient est mis à contribution: «Je m’entretiens aussi avec les familles, déclare Nader Perroud. C’est important, parce qu’une personne n’est pas toujours consciente de ses problèmes. Peut-être que le fait d’être mal organisée, toujours en retard, distraite ou hyperactive ne la dérange pas. Mais, parfois, ce sont les proches qui n’en peuvent plus. Il arrive même que l’épouse ou le mari envisage de divorcer.»
Le rendez-vous en famille chez le psychiatre peut réserver des surprises. Des parents venus consulter pour les troubles de leur enfant ont ainsi soudain pris conscience qu’ils présentaient, à leur niveau, les mêmes caractéristiques. Le TDAH a une forte composante génétique. Si l’un de ses parents souffre d’un TDAH, un enfant a un risque sur deux d’avoir la même maladie. «Chez les enfants, remarque le psychiatre, il est possible de se passer de médicaments de cas en cas. Mais cela est plus difficile chez les adultes. Les thérapies cognitives et comportementales susceptibles de les aider sont astreignantes, car elles impliquent de faire des tâches à domicile et de suivre des consignes. Or, rien n’ennuie plus ces patients que des consignes. Ils risquent donc, sans traitement médicamenteux pour les aider, de ne pas les appliquer.»
Ce qui est sûr, c’est que les médicaments ont souvent rétabli le calme dans une vie de famille jusque-là chaotique ou conflictuelle. «Sur le plan professionnel, poursuit Nader Perroud, un adulte souffrant de troubles de l’attention peut avoir mis en place des mécanismes d’adaptation pour exécuter son travail. Mais, à l’âge de 50 ou 60 ans, si son entreprise lui demande soudain de fournir des efforts sur la durée à cause d’un changement, par exemple dans le domaine informatique, c’est pour lui une catastrophe. Il n’y arrive pas et risque de souffrir d’une dépression ou d’être licencié.» Chez certains, le traitement médicamenteux apparaît alors comme une bouée de sauvetage.
Marlyse Tschui
>> Où trouver du soutien? Association suisse romande de parents et d’adultes concernés par le trouble du déficit d’attention / hyperactivité Infos sur le site: www.aspedah.ch
Les signaux d'alerte
Le TDAH peut sérieusement perturber la vie conjugale ou familiale. C’est pourquoi le psychiatre rencontre aussi
les proches du patient. © iStock
Des critères précis définissent le TDHA. Ainsi, un adulte doit répondre à au moins 5 des 9 critères dans une catégorie. Mais un questionnaire ne suffit pas pour établir un diagnostic. Un long entretien clinique permet d’exclure d’autres pathologies.
Trouble de l’attention
1. Peu précise dans son travail, la personne commet des erreurs.
2. A du mal à maintenir des activités sur la durée.
3. Est souvent accaparée par ses pensées et n’écoute pas.
4. Ne parvient pas à respecter des consignes précises.
5. Ne fait que les choses qui lui plaisent.
6. Eprouve des difficultés à planifier ses activités.
7. Perd des objets.
8. Ne sait pas gérer le quotidien.
9. Au travail ou pendant une discussion, se laisse facilement distraire.
Hyperactivité / impulsivité
1. Assise, la personne peut montrer des signes d’impatience.
2. A du mal à rester tranquille.
3. Bouge beaucoup.
4. Ne parvient pas à se détendre, même en vacances.
5. Parle beaucoup et trop fort.
6. S’immisce dans les activités ou les conversations des autres.
7. Elle ne supporte pas de devoir attendre.
«Trop d’idées tournent dans ma tête»
Diagnostiqué à l'âge de 56 ans, Patrick reconnaît qu’il s’est souvent demandé si tout le monde était comme lui.
© Yves Leresche
Pour des raisons médicales, Patrick A. ne supporte pas les psychostimulants qui améliorent la vie de la plupart des patients TDAH. A 61 ans, ce paysagiste se bat pour gérer son quotidien. Témoignage.
«Mon problème a été découvert par hasard, lors d’une consultation pour des troubles du sommeil. Le médecin m’a interrogé sur mes difficultés et sur ma vie en général. Il m’a dit: «Vous ne seriez pas TDAH?» J’avais 56 ans et je ne savais rien de cette maladie. En écoutant ses explications, j’ai été très surpris de me reconnaître dans le profil type des personnes qui en souffrent. Le médecin m’a conseillé d’aller voir un spécialiste. C’est ainsi que j’ai été officiellement diagnostiqué TDAH.»
«Mes symptômes? Je suis très distrait et ne parviens pas à m’investir dans des occupations qui ne retiennent pas mon attention. A l’inverse, je peux être concentré et me plonger à fond dans une activité qui m’intéresse. Je suis hyperactif et performant, ce qui m’a valu des succès dans ma vie professionnelle. Un patient que je connais a rebaptisé cette maladie PAAM : potentiel d’attention et d’action multiplié. Par moments, j’ai trop d’idées qui tournent dans ma tête. Mon cerveau fonctionne à 200 à l’heure. Je me disais: «Est-ce que tout le monde est comme ça?» Il m’arrive d’être pris dans mes idées du matin jusqu’au soir. Le côté positif de ma maladie, c’est qu’elle m’a permis d’exprimer mon potentiel et ma créativité. Mais elle m’a aussi terriblement compliqué l’existence. Je pense que mon divorce et certains ratés de ma vie sont dus en partie au TDAH. Ma négligence m’a causé des problèmes. Je suis toujours en retard et c’est très stressant. Je procrastine pour tout ce qui est administratif. Pendant des années je n’ai pas rempli mes déclarations d’impôts ni payé mes cotisations d’assurance maladie. Je me sentais coupable, mais je ne comprenais pas pourquoi je dysfonctionnais. Je me suis retrouvé aux poursuites et j’ai sombré dans des dettes colossales. J’étais dans une impasse sans savoir comment en sortir. Cela m’épuisait.»
«Malheureusement, les médicaments comme la Ritaline ne me conviennent pas. C’est pourquoi j’ai suivi des cours de méditation en pleine conscience pour m’aider à me détendre et à décompresser. Avec un groupe de patients TDAH, j’ai aussi participé, pendant un an, à des cours pour apprendre à mieux surmonter mes difficultés; cela allait de la manière de tenir et respecter un agenda, à la gestion des émotions. Il n’est pas facile de mettre les conseils en pratique et de changer de fonctionnement. Je consulte encore régulièrement le psychiatre qui m’avait diagnostiqué. Ma situation reste compliquée à cause de mon surendettement. Aujourd’hui, j’essaie de reprendre le dessus. Cela fait dix ans que je n’ai pas pris de vacances. Si je reste chez moi, je passe mon temps à ruminer et à procrastiner. J’ai besoin de sortir, de bouger, de voir des amis. Quand j’ai un après-midi de libre, je pourrais m’occuper de mon courrier ou faire ma lessive. Mais je sais que si quelqu’un me propose de sortir, je saute sur l’occasion et je laisse tout en plan.»
M.T.