Quand les lignes droites deviennent courbes

© Shutterstock / Andrew Bassett

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la principale cause de malvoyance sévère chez les personnes âgées.

Imaginez d’avoir sans cesse une tache au centre de votre champ de vision et de voir les lignes droites devenir courbes et les contours des objets ou des visages déformés. C’est l’effet de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).

 

Ce mal chronique et évolutif est la principale cause d’handicap visuel grave des seniors, allant croissant avec l’âge (10% des 65 à 74 ans et 30% des 75 à 85 ans). Dans 30 à 40% des cas, les deux yeux sont touchés. «Le patient ne perd pas toute sa vue, puisque il garde la vision périphérique, latérale. Néanmoins, c’est un lourd handicap», note Walter Ferrini, spécialiste en ophtalmologie et ophtalmo-chirurgie à l’Hôpital de la Providence à Neuchâtel.

Formes de la maladie

La macula, au fond de la rétine, est la partie de la rétine nous permettant de voir les choses avec précision, comme pour la lecture. Les informations sont transmises au cerveau. On distingue deux formes d’atteinte de cette partie essentielle à la vue de précision.

 

A. La forme atrophique ou sèche, la plus fréquente (environ 80%), n’entraîne que 5-12% des cas de baisses de vision sévères. On ne peut freiner cette altération. Pour réduire le handicap visuel, il n’existe que la réadaptation en basse vision (lire plus loin). Lente et progressive, l’atteinte de la vision centrale est due à l’accumulation de lésions maculaires provoquant son altération, ou atrophie. Cette forme provoque la vision d'une tache sombre au milieu du champ visuel.

B. La forme exsudative ou humide, plus rare (15-20% des cas) entraîne près de 90% des déficiences visuelles sévères dues à la DMLA. Elle provoque la croissance de néovaisseaux, vaisseaux sanguins anormaux, dont s’écoule du liquide et du sang pouvant entraîner un œdème ou un décollement séreux de la rétine responsable de la vision déformée des lignes. Insidieuse, sans symptômes apparents, elle peut induire une perte visuelle rapide, en quelques semaines, mais son évolution peut être freinée.

 

 

On ignore encore les causes de la DMLA, maladie complexe et multifactorielle. En revanche, on sait que l’hérédité, notamment, constitue un facteur de risque accru, encore augmenté par des facteurs environnementaux ou oxydatifs, dont en particulier le tabagisme, ou probablement l’exposition prolongée à la lumière bleue de certains LED. Des maladies cardio-vasculaires ou l’exposition aux rayons UV sont aussi soupçonnées d’accroître le risque de DMLA.

Quand consulter?

«Dès qu’on constate une baisse de vision, une déformation des lignes ou qu’on voit une tache floue ou ombre grise, notamment en lisant, il faut consulter un spécialiste», avise le Dr Walter Ferrini.

 

Diagnostiquer une DMLA nécessite divers examens: mesure de l’acuité visuelle de loin et de près du patient, test de la grille d’Amsler voir à la page suivante pour contrôler si le patient voit les lignes déformées ou des taches sombres. L’examen du fond de l’œil va permettre de détecter les lésions maculaires. L'angiographie par injection intraveineuse d’un produit de contraste permettra de détecter la présence des néovaisseaux.

Injections dans l’œil

La DMLA humide peut être traitée par l’injection intraoculaire d’anti-VEGF, des médicaments récents. «Ils bloquent les facteurs de croissance des vaisseaux anormaux, explique le Dr Ferrini. C’est aujourd’hui, le traitement principal proposé, à l’efficacité scientifiquement prouvée. Les injections, faites sur le long terme, en ambulatoire, sont à répéter au moins une fois par mois au début, puis à intervalles plus ou moins espacés, selon la réponse du patient et selon le protocole utilisé par le médecin. Les patients y répondent bien dans 70 à 80% des cas», note le médecin. La vision peut augmenter ou rester stable chez la majorité des patients.

 

Outre le risque infectieux, bien que très rare, ce traitement peut notamment augmenter les risques cardio-vasculaires. Son utilisation doit donc être évaluée précisément pour chaque patient.

Autres traitements

On recommande aussi aux patients des suppléments contenant des antioxydants spécifiques. Ils contribuent à freiner la progression de la forme précoce de DMLA, lorsqu'il y a la formation de dépôts au niveau de la macula.

 

Dans de rares cas, ne répondant pas aux seuls anti-VEGF, on associe ceux-ci à une thérapie photodynamique (PDT): les néovaisseaux sont sclérosés par laser après injection d’une substance de contraste les mettant en évidence. La chirurgie ou d'autres techniques apportent des résultats moins bons que les injections intraoculaires d'anti-VEGF.

Réhabilitation basse vision

La DMLA affecte les gestes les plus banals: lire, regarder un film, manger et cuisiner, se maquiller, faire ses courses, téléphoner ou lire l'heure sur sa montre. La réadaptation en basse vision, service offert par les cantons dans les services agréés, tel celui de l’hôpital Jules-Gonin de Lausanne*, permet de rester indépendant au quotidien. Or, les médecins en ignorent souvent l’existence. Pourtant, la mise en place de moyens et trucs pratiques, comme d’utiliser une assiette foncée pour voir des aliments clairs, avoir un éclairage plus fort aussi de jour, etc. permet de compenser en partie le déficit visuel.

 

Les professionnels enseignent aussi l’utilisation des moyens auxiliaires (loupes, logiciels grossissant l’image sur les ordinateurs, scanner de lecture, etc.), d’ailleurs partiellement pris en charge par l’AVS pour les retraités. Les spécialistes en basse vision aident aussi le patient à aménager son quotidien et son domicile au mieux.             

 

Ellen Weigand

 

*Liste par cantons sur www.malvoir-bienvivre.ch

 

Le cas de l’Avastin

Deux substances anti-VEGF similaires (Lucentis et Eylea) ont été homologuées pour leur utilisation en ophtalmologie et sont remboursées par l’assurance maladie de base. Un troisième médicament, l’Avastin, utilisé dans le traitement de certains cancers, est aussi efficace pour la DMLA, et moins cher (400 fr. contre 1067 fr. la dose de Lucentis), mais non pris en charge, car le fabricant Roche ne l’a pas homologué pour un tel usage. Au service de presse de Roche, on explique que l’Avastin n’apporterait pas de bénéfices supplémentaires à ceux des anti-VEGF disponibles. Roche affirme encore ne pas souhaiter homologuer la substance pour cet usage afin d'assurer la sécurité des patients, aux vues des effets secondaires possibles, et dit en laisser l’entière responsabilité aux médecins. En effet, les médecins suisses peuvent prescrire l’Avastin pour une DMLA (prescription dite «off label») et demander sa prise en charge à l’assurance. En cas de refus, seul le geste médical (injection) sera remboursé.

 

Faites le test!

La grille d'Amsler est une méthode efficace pour déceler soi-même une éventuelle dégénérescence maculaire. Comment faire? Il vous suffit de télécharger la grille, de l'imprimer en format A4 et de procéder aux étapes suivantes:

  1. Placez la feuille devant vos yeux, à environ 50 cm de distance. (Gardez vos lunettes de correction ou vos lentilles si vous en portez.)
  2. Testez d'abord l'oeil droit. Couvrez l'oeil gauche avec votre main et regardez le point central de la grille avec votre oeil droit. Les lignes devraient être droite, toutes les
    intersections devraient former des angles droits et tous les cadres devraient être de la même taille.
  3. Si vous voyez des signes anormales comme:
    - lignes onduleuses;
    - lignes brouillées;
    - lignes tordues;
    - secteurs absents ou foncés dans la grille;
    - si vous ne pouvez pas voir tous les coins et les côtés de la
    grille; ou si vous avez des doutes sur votre vue, demandez conseil à votre ophtalmologue.
  4. Répétez le test avec l'oeil gauche.

NOTE: Prenez les résultats comme une orientation. Les résultats n'indiquent pas un diagnostic. La réalisation du test ne signifie pas que vous pouvez sauter les visites régulières chez votre
ophtalmologue, car vous pouvez facilement manquer les signes que seul un médecin qualifié peut trouver.

 

Ce test est tiré du site: www.provisu.ch
 

 

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