Martina Chyba: «J’ai testé pour vous… les pistes cyclables»

Le vélo électrique nécessite une maîtrise en soi... et à Genève, le travail est multiplié. © DR
Martina Chyba roule d'habitude en scooter et elle se pensait préparée pour bien circuler à vélo en ville. Elle a vite déchanté et vécu un véritable enfer à Genève, la laissant à plat.
Je sais, vous vous dites: c’est nul comme test. Les pistes cyclables, il n’y a qu’à prendre un vélo et aller dessus, pfff. Alors, on voit que vous n’habitez pas dans ma ville. Parce que traverser Genève aux heures de pointe dans un véhicule quel qu’il soit, est un test de résistance nerveuse digne des unités d’élite comme les Navy Seals américains, vous savez les mecs du genre qui sont allés dérouiller Ben Laden. Sinon, risquer sa vie à chaque carrefour peut aussi constituer un excellent entraînement pour l’émission Koh-Lanta.
Mais reprenons depuis le début. D’abord, il y a le vélo. Electrique, faut pas déconner, non plus. J’en ai acheté un basique, pas très cher, batterie à l’arrière et panier à l’avant, le truc du bobo d’il y a cinq ans, avant que ne débarquent les modèles de vélo cargo sur lesquels on peut mettre toute sa famille avec le chien et les légumes bio. J’ai acheté un bon casque aussi, et hop, j’y vais! C’est idiot, mais j’appréhende quand même, surtout quand je mets sur 2 ou 3, que j’appuie sur la pédale et que le vélo part tout seul. Oucht, mais ça va vite! C’est génialissime en montée, je pédale en sifflotant, pas une goutte de transpiration d’effort. Non, la transpiration est liée au stress de la route.
Autre époque
Parce que, moi, j’ai passé mon permis en 1983, il n’y avait ni pistes cyclables, ni feux exprès pour les vélos, ni tellement de vélos d’ailleurs, il y avait surtout des boguets, vous vous souvenez des vélomoteurs? Maxi-Puch, Solex? Pour aller à la discothèque Jackfil le samedi soir? A deux dessus et sans casque? Alala, autre époque. Aujourd’hui, il faut avoir fait une école d’ingénieur en urbanisme pour comprendre les signalisations. Il y a les pistes cyclables (séparées de la route), les voies cyclables, les voies de bus, il y a les moments où la piste s’arrête brutalement, les moments où elle est à l’envers, les moments où la voie continue à travers un parc ou une place. Le tout au milieu de monstres travaux en permanence.
Moi, je m’arrête au milieu de la rue quand je ne comprends pas… et ça klaxonne, ça gueule des «Tu fous quoi mamie?», quand ce n’est pas des «grosse conne». Oui, c’est très délicat le langage employé sur la voie publique. Je suis habituée, car généralement je roule en scooter, véhicule qui a le mérite de faire l’unanimité: tout le monde nous déteste. A vélo, on est plus respecté, parce que c’est écolo et donc vertueux, mais quand on ne maîtrise pas les codes, les gens s’impatientent assez rapidement quand même.
Le pompon
J’essaie de me dépêcher et je traverse par-dessus les rails du tram, je manque de tomber, je pose le pied par terre, le tram arrive et sonne (tête furibarde du conducteur), contente d’être en vie, je crois que je récupère une piste cyclable, mais, en fait, je suis sur le trottoir et je plante les freins devant un petit vieux avec un déambulateur. Ce serait le pompon ça, un accident avec son engin, lui à 2 à l’heure et moi à 10, deux cols du fémur aux urgences, qui ont certainement mieux à faire.
Non, je ne suis pas à l’aise. Aux feux, je n’ai pas réalisé que, des fois, on a le droit d’y aller, alors que les voitures pas. Je vois les gars qui passent à toute allure, alors que, moi, je zone à l’arrêt et je les dérange. En fait, il y a un petit feu spécial vélos. Bon, il y en a qui passent à toute bombe même quand c’est rouge, avec des écouteurs, en faisant des doigts d’honneur à ceux qui s’étonnent, je trouve suicidaire, mais manifestement, il y en a encore beaucoup de vivants.
Pardon, pardon, pardon...
En fin de journée, j’ai eu le malheur de vouloir prendre la rue de la Servette en descendant. Je recommande. Route surbondée, étroite, trottoir d’un côté et tram de l’autre, pas de piste cyclable, feux totalement désynchronisés pour emmerder un maximum, camions, bouchon total, enfer. En voiture, on met 45 minutes pour faire un kilomètre. En vélo, pas loin. J’ai fini par faire comme les autres, monter le vélo sur le trottoir et slalomer entre les poussettes et les personnes âgées, pardon, pardon, pardon. En fait, j’ai fait la rue de la Servette… à pied.
Bilan: le vélo en ville euh… avec modération. Je vais surtout l’utiliser pour des balades à la campagne. Parce que, quand je rentre d’un périple cycliste urbain, la batterie du vélo est encore à moitié pleine, mais moi, je suis à plat.
Martina Chyba
Bien se faire conseiller
Jean Berthet est un jeune senior (très) dynamique, ancien membre du comité de l’ATE (Association Transports et Environnement), fondateur de ebiketour.ch qui propose des chouettes balades en vélo électrique entre ville et campagne, et roulant lui-même en vélo électrique depuis vingt ans, il en connaît un rayon! «Après 50 ans, si on avait l’habitude de rouler à vélo, c’est une bonne idée de se mettre à l’électrique, les montées notamment seront plus faciles! En revanche, si on veut commencer le vélo, que l’on n’a jamais vraiment pratiqué, alors ce n’est pas évident. Je recommande vivement aux gens de prendre un cours, comme ceux de l’association Pro Vélo Suisse, par exemple. Il faut savoir que le vélo électrique est bien plus lourd et va beaucoup plus vite! En tant que senior, on doit éviter les chutes et les fractures.»
Alors, justement, quand on est plus de toute première jeunesse, à quoi faut-il faire attention en choisissant un vélo? «Un vélo électrique va dépasser les 20 kilos, mais il faut éviter ceux qui pèsent plus de 30 kilos. Je préconise aussi d’en acheter un mixte, à savoir sans barre centrale. C’est plus facile pour monter et descendre et pour poser le pied à terre. Opter plutôt pour des roues de 26 pouces, plus petites, plus près du sol, plus maniables et pour des pneus épais qui assurent la stabilité et tiennent mieux s’il y a des rails de tram. Une batterie de marque fiable et connue, qui assure une bonne autonomie. Les vélos allant à plus de 25 km/h sont adaptés aux personnes qui roulent pas mal déjà ou qui ont des trajets quotidiens assez longs. Il est important, à mon avis, d’aller chez un marchand de cycles, près de chez soi, qui va pouvoir conseiller et assurer un service après-vente, car un vélo nécessite de l’entretien.»
Equipement adéquat
Et au moment de se lancer sur la route, à quoi faut-il être attentif? «Il faut compléter son équipement, répond le spécialiste. Un bon casque évidemment. Et des vêtements voyants. Un gilet jaune, un casque clair. Personnellement, je porte des gants jaunes fluo, comme ça, quand je tends la main, cela se voit. Et c’est vraiment utile d’acheter un rétroviseur. Cela aide considérablement, car il n’est pas toujours facile de tourner la tête avec le casque ou l’écharpe. Et je rappelle qu’il est désormais obligatoire de rouler phares allumés.»
Enfin, comment diminuer le stress de la circulation? «Il n’y a pas de miracle, à partir d’un certain âge, nos réflexes sont plus lents, il faut anticiper, oser prendre sa place, ne pas raser les trottoirs. Les gens qui sont habitués à rouler y arriveront avec un vélo électrique. Pour les autres, éviter les bouchons, les heures de pointe, la météo difficile, l’obscurité et utiliser le vélo de manière plutôt récréative. Et ne pas oublier de se renseigner sur les itinéraires, qui ne sont pas les mêmes qu’en bus ou en voiture.» (M. C.)